Lorsque naît la Bibliothèque de Tourcoing, à la fin du XIXème siècle, la ville connaît une période de prospérité commerciale inégalée, fondée essentiellement sur le négoce de la laine. Tourcoing, en pleine expansion, se transforme mais la condition ouvrière ne s’améliore que lentement et les conflits sociaux sont parfois violents.
En 1880, la nomination d’une commission de trois membres chargés des achats et l’affectation d’une somme de 1 000 Francs sont les premiers gestes de la municipalité préludant à l’ouverture d’une bibliothèque communale le 1er mars 1885. Elle est installée au second étage de l’hôtel de ville.
Cinq ans plus tard, en 1890, sera créée la bibliothèque « populaire » destinée à la population ouvrière, sous l’impulsion du conseiller municipal François-Joseph Sénélar, lui-même autodidacte et bibliophile.
Les deux bibliothèques coexistent encore dans le bâtiment inauguré en 1940 place Charles et Albert Roussel dans les locaux de la poste attenant à la chambre de commerce.
1949 verra le passage des collections de la bibliothèque « populaire » en accès libre.
En 1969 d’importants travaux d’aménagement intérieur sont entrepris, mais le déménagement dans les locaux plus adaptés et permettant l’extension des services s’imposa dans les année 80. La bibliothèque, enrichie d’une discothèque s’installe en décembre 1988 dans les bâtiments réhabilités d’une ancienne usine textile et devient la Médiathèque.
Le fonds patrimonial de la Bibliothèque de Tourcoing se compose de 3 008 volumes imprimés du XVIème siècle au début du XXème siècle, de 35 manuscrits et d’une collection de 4 763 cartes postales.
Ce fonds provient essentiellement de deux legs effectués à la fin du XIXème siècle : en 1879 le legs Roussel-Defontaine et en 1908 le legs Sénélar.
Charles Roussel-Defontaine (1821-1879), fervent bonapartiste inflluencé par le saint-simonisme fut par deux fois maire de Tourcoing. Il entreprend de transformer le visage de la ville (par la construction d’un nouvel hôtel de ville, en particulier). Il est aussi historien et auteur d’une Histoire de Tourcoing (Vanackere, 1855). A son décès, il lègue à la ville 648 volumes de sa bibliothèque, qui, s’ils ne présentent pas d’intérêt bibliophilique particulier, ont permis de constituer l’embryon des collections communales et d’enrichir déjà le fonds local de quelques ouvrages précieux.
Le second legs fondateur de la bibliothèque patrimoniale fut constitué par François-Joseph Sénélar (1837-1908), le conseiller municipal à l’origine de la bibliothèque « populaire ». De son vivant, il avait déjà fait don à la bibliothèque de 41 volumes (en 1890 et 1895) ; à sa mort, il lègue à la ville 307 ouvrages formant 545 volumes. Parmi ces ouvrages figure une importante proportion de livres anciens : 198 titres publiés du XVIème au XVIIIème siècle.
Au fil des années, les collections patrimoniales de la bibliothèque se sont étendues grâce à une politique d’achat modeste mais constante. D’autres dons ou legs les ont également enrichies : la bibliothèque de l’ancien collège du Sacré-Cœur de Tourcoing qui augmenta considérablement le fonds religieux ou encore plus récemment en 1993 le legs Odoux constitué essentiellement d’ouvrages intéressant le fonds local.
Quoique modeste, le fonds patrimonial de la Bibliothèque de Tourcoing est varié et d’abord marqué par la forte présence d’auteurs de l’Antiquité classique latine principalement, et aussi grecque, notamment pour les ouvrages des XVIème et XVIIIème siècles.
Le plus ancien ouvrage conservé est d’ailleurs le texte de la Pharsale du poète Lucain dans une édition de Simon de Colines (1528), un des premiers imprimeurs humanistes parisiens du XVIème siècle.
Un autre ensemble important, et sans doute plus attendu, concerne l’histoire régionale. Les grands historiens de Flandre et des Pays-Bas sont représenté tels Emmanuel Meteren ou Antoine Sanderus, dans des éditions souvent hollandaises. Citons La Légende des Flamens (Galliot du Pré, 1558), l’Histoire des Pays-Bas d’Emmanuel Meteren (La Haye : chez Hillebrant Jacob Wov, 1618) ou encore Dissertationes de inducciis belli Belgici de Hendrick Van de Putte (Leyde : ex officina Elzeviriorum, 1633), bon exemple de la qualité éditoriale des ouvrages publiés par l’atelier d’Amsterdam.
La géographie, et la cartographie sont également des thèmes largement représentés dans les collections : relations voyage d’explorateurs (La Pérouse, le capitaine Cook ou encore la Description de l’Egypte en 26 volumes et 900 planches, édition 1820-1830) ; histoires des voyages (entre autre La Harpe en 21 volumes plus les atlas, édité en 1780) ; ancêtres des guides de voyage comme L’Indicateur fidèle ou guide des voyageurs de Desnos (Paris, 1765), et grand atlas, en particulier Le Théâtre du monde de Guillaume Blaeu (Amsterdam, 1635).
Le thème religieux est bien développé dans les collections d’une ville où la religiosité a toujours été un élément important. Dans les fonds du XVIème et XVIIème siècles, les éditions bibliques grecques, latines et néerlandaises sont nombreuses. Pour le XVIIIème siècle, citons la Chorographia sacra Brabantiae de Sanderus (La Haye : Von Lom, 1726) qui se propose en trois volumes de décrire les établissements monastiques des Pays-Bas catholiques ; ou encore cet antiphonaire donné à la bibliothèque par la paroisse Saint-Christophe, la plus ancienne de Tourcoing. Cette même paroisse fit don d’une collection de missels aux riches reliures du XIXème et XXème siècle aujourd’hui conservés dans le collections municipales qui comprennent également les quelque 200 ouvrages (bibles, ouvrages de théologie, histoires de l’Eglise… du XIXème et début du XXème siècle) qui autrefois constituaient la bibliothèque du collège du Sacré-Cœur de Tourcoing.
D’autres thèmes se trouvent développés mais de façon plus restreinte : par exemple des ouvrages scientifiques avec en particulier les grandes suites parues au XIXème siècle telle L’Histoire naturelle de Buffon en 127 vol. (éditée chez Dufart, 1798). Enfin les principaux ensembles encyclopédiques dont la publication débute au XVIIIe siècle avec l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert peuvent être également trouvés dans le fonds patrimonial.
Depuis près d’un siècle, les ouvrages concernant la vie tourquennoise ont été rassemblés avec soin : personnalités tourquennoises, vie quotidienne et histoire de Tourcoing, urbanisme, patois local, presse locale… tels sont les principaux thèmes abordés. On peut citer en exemple la collection quasi exhaustive des Etrennes tourquennoises ou encore le fonds Jules Watteeuw qui réunit les manuscrits, les différentes éditions des œuvres ou encore la revue La Brouette de ce poète patoisant né en 1849 à Tourcoing et qui vécut, publia et imprima dans la ville.
Autre personnalité née à Tourcoing : le musicien Albert Roussel (1869-1937) dont on trouvera des lettres et partitions manuscrites.
Des témoignages plus anonymes sont également conservés : les cahiers manuscrits des poètes amateurs patoisants qui gravitaient autour de Jules Watteeuw au début de ce siècle ou encore le journal de Madame Deherripon, 562 pages manuscrites sur des cahiers d’écolier qui retracent la vie quotidienne d’une Tourquennoise pendant la grande guerre. On peut également rattacher à ce fonds local des journaux tels que L’indicateur de Tourcoing (de 1840 à 1913), le Journal de Roubaix (de 1856 à 1944 ou L’Egalité de Roubaix-Tourcoing (1845-1940) dont la conservation a été assurée et la diffusion facilitée par microfilmage, ou encore la collection de cartes postales qui décrit admirablement l’évolution de la ville.
Enfin il faut noter la constitution d’un fonds d’ouvrages de bibliophilie contemporaine : des œuvres d’artistes comme l’éditeur roubaisien Laurent Debut (éditions Brandes), le graveur René Bonargent ou encore le canadien André Bergeron.
Cet ensemble à vocation de conservation, tente de refléter les différentes expressions de l’art d’aujourd’hui dans le domaine du livre.
|