Ordonnance de l’échevinage : affiche concernant la réglementation quant aux poids, aux prix et à la qualité des pains produits par les boulangers, 1775. Archives municipales de Tourcoing, BB2.

Le pain

 

« Avoir du pain sur la planche ; Etre dans le pétrin ; Manger son pain noir ou son pain blanc ; Bon comme du bon pain,.. », nombres d’expressions liées à la fabrication et à la consommation du pain nous démontrent la très grande importance de cet aliment.

Le pain, au cœur  de l’alimentation des populations pendant de nombreux siècles, est composé d’ingrédients assez simples : de la farine, de l’eau, du sel et de la levure.

Sa consommation, jusqu’à 2 kg par jour et par personne en 1800, a toutefois régressé au 21ème siècle à 100 g environ.

Nécessaires à la vie, les céréales (surtout le blé) sont très convoitées.

Les mauvaises récoltes, les guerres où les spéculations participent à la pénurie des grains et ainsi à l’augmentation des prix. Le manque de pain a d’ailleurs bien souvent abouti aux révoltes des peuples comme au moment de la Révolution de 1789.

Le type de pain consommé est aussi un marqueur social. Jusqu’au début du 19ème siècle le pain blanc était pour les riches, le pain noir pour les pauvres.

Source de conflits, la fabrication (le poids, la qualité et le prix) et la vente du pain ont par conséquent toujours été très encadrées.

Le Bureau de Bienfaisance

D’abord installé dans une annexe de l’Hôtel Dieu, rue Nationale, le Bureau de Bienfaisance, appelé également Bureau d’Aide Sociale, dispose d’une boulangerie, depuis le 11 juillet 1867. La structure s’implante ensuite sur un terrain acquis en 1891, à l’angle des rues du Collège et du Printemps.

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En 1893, la boulangerie possède des matériels perfectionnés comprenant notamment plusieurs fours et pétrins mécaniques qui facilitent le travail des boulangers.

En 1913, la structure consacre 2/3 de ses dépenses annuelles à la fabrication du pain en faveur des assistés (veuves, enfants, chômeurs, malades, vieillards, infirmes et incurables).

A cette époque, face à l’augmentation du prix des farines et afin de limiter les frais généraux, est organisée la mutualisation de ce service avec les Hospices. Dans le même objectif, en 1913, une meunerie est créée au siège du Bureau de Bienfaisance. Les Hospices, exploitant une ferme, leur livrent du blé. En contrepartie, le Bureau de Bienfaisance leur fournit du pain au prix de revient ainsi que les sous-produits pour la ferme. 4000 quintaux de farine y sont transformés annuellement dont les ¾ sont destinés au Bureau de Bienfaisance et ¼ aux Hospices.

Les pains, d’environ 1,350 kg sont élaborés à partir de farine de froment de très bonne qualité. Contre un jeton, les bénéficiaires profitent d’une ration de pain définie selon leurs besoins. Sans stigmatisation des personnes secourues, la distribution du pain à domicile effectuée par des voitures sans marque, rompt l’isolement des personnes assistées.

La meunerie cessera son activité en 1955 tandis que la boulangerie fermera en 1967. A partir de cette date, ceux que l'on appelait les indigents recevront un bon, équivalent en valeur, leur permettant d’acheter directement leur pain chez le boulanger de leur choix.

 

Le pain par temps de guerre

La distribution et la qualité du pain dispensées aux soldats ont toujours été prises en considération. De là dépendait aussi la réussite des missions qui leur étaient confiées. Ainsi, le pain de troupe appelé également « pain de munition » composé de farine de froment et de seigle leur était prodigué.

Pour faciliter leurs déplacements, on leur attribue aussi des biscuits qu’il fallait réhydrater avant d’être consommés. Fabriqués par des biscuiteries civiles, ils comprennent les éléments du pain ordinaire. Pour sa conception, on utilise obligatoirement un ferment naturel, le levain. Sa cuisson est très lente. Il peut se conserver une année.

Pendant la 1ère Guerre mondiale, la production du blé est perturbée : les hommes sont au front et certaines terres sont devenues incultes. Afin de participer à l’effort de guerre en important moins de blé, on décide la création d’un « pain national » (loi du 25 avril 1916). Dès lors, il n’y aura plus qu’un seul pain, plus gris puisqu’il comporte un taux de blutage élevé à 85 %.

Outre-Rhin, les Allemands, déjà très dépendants pour leur approvisionnement en blé, font face au blocus mis en place par les Alliés. Pour leur consommation, ils disposent du pain noir de guerre fabriqué à base des farines de seigle, de bois, de paille et de sang provenant des abattoirs. Ils confectionnent également un pain à base de pommes-de-terre et de son appelé « kriegskartoffelbrot » ou pain« KK », appelé « caca » par les Français en zone occupée. Ce pain est nutritif mais de qualité moindre que le pain classique. Il se coupe en petits morceaux dans la soupe.

Le poète Jules Watteeuw l'évoque largement dans sa chanson l'risse et l'pain caca

Chanson pain KK pages to jpg rond

Gloria ! [Texte imprimé] : chansons et pasquilles dédiées aux Boches : documents extraits du manuscrit / par Jules Watteeuw, « Le Broutteux » ; dessins inédits de Maurice Lesage ; L’invasion allemande, quatre ans d’occupation à Tourcoing. – Tourcoing : Bernard-Ernoult (impr.), 1923, - Non pag. : ill, 26 cm.Médiathèque André Malraux, LM 3 WAT.